Page:Anonyme ou Collectif - Voyages imaginaires, songes, visions et romans cabalistiques, tome 25.djvu/168

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cre dix ou douze rois en bataille rangée, & plus encore, si vous eussiez voulu.

Je ne parle pas du courage, reprit le prince ; je me plains de l’esprit. Il y a de petits bourgeois qui pensent mieux que moi, & qui parlent beaucoup plus joliment.

Oh ! dit l’inconnu, si vous approfondissiez leurs pensées, vous n’y trouveriez rien du tout. Il est vrai que quand je veux, je leur sais dire une chose bien simple d’une manière si étendue & si fort embarrassée, qu’on leur trouve de l’esprit, parce qu’il a fallu en avoir pour deviner ce qu’ils ont voulu dire.

Écoutez, par exemple, un de ces héros ; il parle ainsi à une dame : « Ne voilà-t-il pas comme vous êtes ? On ne sait avec vous à quoi s’en tenir ; on est comme l’oiseau sur la branche ; on ne fait sur quel pied danser. L’amour, auprès de vous, rit toujours à bon compte du mal qu’il m’a fait ; ses regards n’ont pourtant rien d’insultant ; il prend un air qu’on ne sauroit trouver mauvais ; je vois que je sympatiserois avec lui. Le désir est à côté, qui me fait signe d’avancer ; il voudroit m’apprivoiser ; il semble qu’il y aille du sien, tant il s’empresse à m’appeler ; mais il faudroit que l’espérance le secondât ; elle est là comme une grande indolente, qui ne fait ni bon ni mau-