Page:Anonyme ou Collectif - Voyages imaginaires, songes, visions et romans cabalistiques, tome 25.djvu/254

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croire qu’il n’avoit qu’un oeil, parce que, sans cela, il n’auroit jamais laissé la bonne pour manger la mauvaise. Le puîné interrompant le discours : Seigneur, dit-il, j’ai connu qu’il manquoit une dent au chameau, en ce que j’ai trouvé dans le chemin, presque à chaque pas que je faisois, des bouchées d’herbe à demi-mâchées, de la largeur d’une dent d’un semblable animal ; & moi, dit le troisième, j’ai jugé que ce chameau étoit boiteux, parce qu’en regardant les vestiges de ses pieds, j’ai conclu qu’il falloit qu’il en traînât un, par les traces qu’il en laissoit.

L’empereur fut très-satisfait de toutes ces réponses ; & curieux de savoir encore comment ils avoient pu deviner les autres marques, il les pria instamment de le lui dire ; sur quoi l’un des trois, pour satisfaire à la demande, lui dit : je me suis aperçu, sire que le chameau étoit d’un côté chargé de beurre, & de l’autre de miel, en ce que, pendant l’espace d’un quart de lieue, j’ai vu sur la droite de la route une grande multitude de fourmis, qui cherchent le gras, & sur la gauche, une grande quantité de mouches, qui aiment le miel. Le second dit : Et moi, seigneur, j’ai jugé qu’il y avoit une femme dessus cet animal, en ce qu’ayant vu un endroit où ce chameau s’étoit agenouillé,