Page:Anonyme ou Collectif - Voyages imaginaires, songes, visions et romans cabalistiques, tome 25.djvu/365

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eut de grands biens, mais ils n’eurent point de quoi satisfaire un cœur tout rempli d’amour. Il écrivit à la belle les cruelles circonstances de ce qui venoit de lui arriver, & il le fit d’une manière touchante, qui l’auroit persuadée de ce qu’il souffroit, si la considération de son malheur ne l’eût empêchée de s’occuper d’autre chose. Elle perdoit un amant, qui, l’ayant fait renoncer à un établissement qui lui convenoit, l’avoit réduite à ne pouvoir plus s’arracher du cœur la passion qu’il y avoit mise, & qui, l’abandonnant pour toujours, vouloit qu’il crût qu’il fût encore plus à plaindre qu’elle. L’état où elle se vit la fit emporter contre tous les hommes, & rien n’eût pu la convaincre que le cavalier ne l’eût pas trahi volontairement, s’il ne l’eût tirée d’erreur par un procédé qui n’a point d’exemple.

Un gentilhomme la vint trouver de sa part, avec une lettre, par laquelle il lui mandoit, que puisque sa mauvaise destinée ne lui avoit pas permis de s’unir à elle, il vouloit au moins lui faire voir que jamais amour n’avoit été ni plus sincère, ni plus véritable que le sien ; que pour l’indemniser de l’amant qu’elle avoit perdu, à cause de lui, il lui envoyoit deux mille pistoles, qui pourroient, en peu de temps, lui faire trouver un parti plus digne d’elle ; qu’il la conjuroit, par toute l’estime qu’elle lui avoit mon-