Page:Anonyme ou Collectif - Voyages imaginaires, songes, visions et romans cabalistiques, tome 25.djvu/481

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sée, & que connoissant qu’il n’y pouvoit être heureux, ni rendre sa fille heureuse, il lui offroit tous les avantages qu’elle pourroit souhaiter, pour le laisser à lui-même ; quoiqu’il se défendît d’accepter l’honneur qu’on lui vouloit faire, en la lui donnant pour femme, il l’aimoit toujours avec tant de force, que ce lui seroit un véritable supplice, s’il la voyoit entre les bras d’un rival, & que si elle se sentoit capable de renoncer, comme lui, à se marier jamais, il étoit prêt à lui donner une terre de dix mille écus, se contentant du seul plaisir d’être son plus véritable ami. L’offre parut fort avantageuse à la demoiselle, qui, n’ayant point de tentation pour un mari, n’eut aucune répugnance à accepter la condition. On rendit nul le contrat de mariage, & l’on s’en fit un de donation dans toutes les formes. Engéram fut ravi d’avoir dans la belle une amie pleine d’esprit, & dont la sagesse étoit connue de tout le monde ; & la belle, si réservée sur l’amour, n’a point fait difficulté de s’expliquer avec lui sur l’amitié.

Cette aventure nous fait connoître que si l’amour & l’intérêt n’aveugloient point la plupart de ceux qu’on voit tous les jours donner si facilement dans le mariage, il en est peu que cet engagement n’étonnât, & qui, en con-