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L’Isle inconnue

comme il avoit réſolu, en taiſant leur avanture tout ce auroit pu cauſer une trop vive émotion à des cœurs ſi ſenſibles. Il ne put néanmoins leur cacher que les trois européens qu’ils amenoient, n’euſſent été délivrés de la main des nègres ; & quelque ſoin qu’il prît pour adoucir cette nouvelle, elles ne l’entendirent point ſans en être vivement affectées. Elles virent dans ce récit plus que le Père ne leur diſoit, &, ſubitement frappées de l’idée des périls que les chaſſeurs avoient dû courir, laiſsèrent paroître ſur leurs viſages & dans leurs diſcours le trouble & la crainte dont elles étoient agitées.

Cependant comme tous nos gens revenoient ſains & ſaufs, qu’ils alloient ſe retrouver dans le ſein de leurs familles, ces alarmes involontaires firent place à la douce joie que l’annonce de leur retour devoit naturellement inſpirer. En même temps, la ſurpriſe mêlée d’admiration que cauſoit la merveilleuſe délivrance des trois Européens ; & la penſée conſolante que ce qu’ils devoient à leurs libérateurs les attacheroit inviolablement à la colonie, affoiblirent encore les impreſſions de crainte que la rencontre des nègres, avoit faite ſur les eſprits.

L’on étoit dans ces diſpoſitions, quand la troupe parut. Henri précédoit les européens