Ce dédain de la pitié, c’est aux pessimistes français que Nietzsche prend son expression. Il cite La Rochefoucauld : “ On devrait, à la vérité, témoigner de la pitié, mais se garder d’en avoir ” et il analyse, lui, ce sentiment dans le sens romantique : le malheureux prend une espèce de plaisir à pouvoir faire souffrir par compassion. Il nous parle aussi de ces fiers sauvages inaccessibles à la pitié, et du poteau de torture — Mais, tout de même, nous ne sommes peut-être pas des Sioux ? — Relisons Montaigne. Comme il parlait de ces choses avec simplicité, ce vieux Français !
“ La
“ pitié est passion vicieuse aux Stoïcques ; ils
“ veulent qu’on secoure les affligez, mais non pas
“ qu’on fléchisse et compatisse avecques eux… Il
“ se peut dire que, de rompre son cœur à la com-
“ misération, c’est l’effet de la facilité, débonnaireté
“ et mollesse… ” Il reconnaissait cela, et pour son compte avouait :
“ J’ay une merveilleuse lascheté
“ vers la miséricorde et mansuétude… Je serais
“ pour me rendre plus naturellement à la compas-
“ sion qu’à l’estimation… ”
Naturellement, ce furent les esprits les plus chancelants qui proclamèrent le plus haut le