— C’est une idée ; peut-être reviendra-t-elle pendant ce temps.
Et il répond :
— Oui, peut-être.
Il sonne : la bonne apporte le thé.
Mme de Marbois tire ses gants, fait jouer ses doigts, frappe ses mains l’une dans l’autre, se renverse dans son fauteuil, rit très haut. Lui, la regarde ; il n’est pas ému.
Dix heures et demie sonnent à la pendule : elle remet ses gants, lentement ; elle paraît agitée ; il la reconduit jusqu’en bas.
— Vous permettez que je ne vous accompagne pas plus loin ? dit-il.
Et il remonte : elle en est pour ses frais.
Il prend son front à deux mains, une colère terrible s’empare de lui, il brise une chaise, une table.
— Sa maîtresse, elle doit l’être ! C’est chez cet homme qu’elle va tous les soirs ! C’est là qu’elle est allée aujourd’hui ! Cette Mme de Marbois est bien tombée.
À minuit, un bruit de soie, un craquement de bottines se font entendre dans l’escalier ; puis un coup de sonnette.
Sa colère tombe : il est maître de lui.
La porte s’ouvre : c’est elle.
— M’attendais-tu, mon ami ?
Elle a le même regard, le même sourire que quand elle est sortie : elle les appuie sur lui de toutes ses forces. Un petit nuage rose court sous la peau de ses joues ; sans doute, elle s’est pressée un peu, très peu, car sa poitrine se soulève à temps égaux, doucement, presque avec chasteté.
— Je t’attendais, comme tu vois, répond-il.
— C’est bien gentil à toi… Défais-moi mon gant, je te prie.
Il est très poli, très froid : il l’aide à se débarrasser de ses gants, de son chapeau, de son manteau… Elle se regarde dans la glace, redresse ses frisures du bout du doigt, rajuste le nœud qu’elle porte au cou et vient s’asseoir près de lui, amoureuse, lassée.
— Tu viens de chez Mme de Marbois ? demande-t-il.
— Oui, mon ami ! il y avait une dizaine de personnes… Les Béjon, M. et Mme Narcisse, d’autres encore… Tu aurais joliment ri.