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Du poème sur l’expédition d’Igor (1185).

Ce poème fut composé, vers 1187, à la cour du duc de Kiev, après que Igor fut retourné de la captivité, où il était tombé dans sa malheureuse expédition contre les Coumanes (Polovetz). C’est le seul monument qui nous ait été conservé presque entièrement de la vieille poésie épique. Les allusions qu’il renferme montrent que ce genre était très cultivé dans les cours princières. Malheureusement la seule copie du poème qui existait a disparu pendant l’incendie de Moscou, en 1812 ; ce qui aggrave encore les difficultés de l’interprétation.

Ne serait-il pas juste, ô, mes frères, de redire à l’ancienne mode le récit douloureux de la guerre d’Igor, Igor, fils de Sviatoslav ? Mais nous commencerons notre récit comme une ballade de notre temps et non à la manière de Boyane. Car Boyane, l’enchanteur, quand il chantait un chant en l’honneur de quelqu’un, laissait courir sa pensée comme un écureuil sur les arbres, comme un loup gris sur la terre, comme l’aigle argenté sous le nuage.

Il se rappelait, dit-on, les guerres patricides de l’ancien temps ! Il envoyait dix faucons sur un vol de cygnes, celui qui était touché le premier entonnait un chant en l’honneur du vieux Iaroslav, du preux Mstislav, qui tua Rededia devant les troupes des Kassogs, ou du beau Roman, fis de Sviatoslav.

Mais ce n’étaient pas des faucons que Boyane, ô mes frères, lançait sur un vol de cygnes, mais de ses doigts inspirés il touchait les cordes vivantes de sa harpe et ce sont elles qui chantaient la gloire des ducs !

Commençons donc, ô mes frères, ce récit, depuis les temps du vieux Vladimir jusqu’à ceux de notre Igor, qui renforça son esprit de prudence et aiguisa son cœur de courage. Il s’emplit d’un esprit guerrier et conduisit ses troupes vaillantes contre le pays des Polovetz pour venger le pays russe.

Boyane, rossignol des temps passés, c’est toi qui devrait chanter ces guerres :

Les chevaux hennissent au bord de la Soula, sa gloire résonne à Kiev, les clairons sonnent à Novgorod, les drapeaux flottent à Poutivle, c’est Igor qui attend son frère Vsevolode.

Et Vsevolode, le buffle guerrier, lui dit : Mon frère, unique comme le soleil, mon Igor, nous sommes les deux fils de Sviatoslav ! Fais harnacher tes chevaux, mon frère, car les miens

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