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nos biens particuliers ? La faute dont on nous accuse n’est que notre devoir, un devoir sacré, hautement estimé chez tous les peuples et n’a jamais été une transgression, ni jamais été condamnable. Nous t’avons prié et te prions encore, au nom de notre nation, de faire grâce à notre patrie injustement persécutée et détruite sans merci, nous te prions de rétablir nos droits et privilèges, solennellement assurés par les traités et que, Toi-même, Sire, as à plusieurs reprises confirmés.

Notre nation étant de la même race et ayant les mêmes croyances que Ta nation, lui a donné des forces et a augmenté Ton empire par une alliance volontaire, dans un temps où tout était encore chez vous dans l’enfance et sortait à peine du chaos de la période de troubles[1] et, pour ainsi dire, du néant. Et cela seul ne devrait pas permettre que nous soyons privés chez vous de notre récompense. Mais, en outre, nous, avec notre nation, nous n’avons pas cessé de vous aider considérablement dans toutes vos expéditions guerrières et vos conquêtes ; sans parler de la prise de Smolensk et de la Pologne, la seule guerre avec la Suède a mis hors de doute le dévouement que nous Te portons, à Toi et à la Russie. Car, il est connu de tous que c’est nous seul qui avons anéanti toute une moitié de l’armée suédoise sur nos terres et dans le pays que nous habitons, sans nous laisser prendre aux flatteries et à la tentation, mais Te mettant à même de vaincre le courage admirable et la bravoure désespérée des Suédois. Et, en retour, nous n’avons récolté que l’outrage et le mépris, en guise de reconnaissance et de récompense on nous a jetés dans un esclavage sans issue, nous devons payer des impôts infamants et insupportables, on nous force à creuser des fossés et des canaux, à assécher des marais infranchissables, les engraissant des cadavres de nos morts, tombés par milliers par suite des travaux pénibles, de la faim et du climat.

Toutes ces misères et ces outrages ont trouvé leur comble enfin dans la façon dont nous sommes actuellement administrés. Les fonctionnaires moscovites qui nous gouvernent ne connaissent pas nos droits et coutumes, ils sont presque illettrés, ils savent seulement qu’ils peuvent tout faire de leur autorité sans toucher à nos âmes. Et ainsi, nous trouvant assaillis de tous côtés par les persécutions et les infortunes, où pouvons-nous

  1. On appelle Smouta, la période de troubles au commencement du xviie siècle.
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