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GASTON CAMUS

Cet ordre impérieux prononcé avec force par une voix que je reconnus, me fit ouvrir les yeux. Hagard, je me levai, tout frissonnant encore de la frayeur que j’avais ressentie. Hélas ! mon coin de verdure avait disparu ; je n’apercevais plus l’eau vive de la petite rivière ; je me trouvais au milieu de roches quadrangulaires, alignées avec tant de symétrie que je crus être parmi les pierres tombales d’un vaste cimetière.

Je me remis en route, lentement, la tête penchée très bas vers la terre, comme si mes épaules avaient été chargées d’un fardeau trop lourd. Une inquiétude indéfinissable m’étreignait le cœur.

À peine avais-je fait une centaine de pas dans l’unique sentier tortueux où j’étais engagé, que la voix de nouveau claironna à mon oreille. Oh ! quel horrible frisson me donnait l’éclat étrange de cette voix !

Elle me dit : « Lève la tête, poussière animée. Marche, car il faut que tu marches encore. Vois, sur cette montagne, tout là-haut, ce rocher avec ses trois pointes qui s’élancent vers le ciel. C’est là que tu dois te rendre ; c’est là le terme de ton voyage ; c’est là que se déchiffre l’Énigme de la Vie ».

Dès que mes regards se furent fixés sur ce rocher, je ne pus les en détacher. Il m’attirait comme l’aimant attire le morceau de fer, comme l’œil fascinateur du serpent attire le petit oiseau. Plus j’avançais, plus mon pas devenait rapide ; j’étais incapable d’une résistance, d’un effort quelconque.

Après de longues heures de cette marche insensée