Page:Aperçu sur la théorie de l'évolution - conférence faite à Buenos Ayres dans la séance solennelle, célébrée en son honneur par la Société Scientifique Argentine, le 25 octobre 1882.pdf/17

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
− 10 −

Et cependant, Messieurs, vous ne pouvez vous figurer la quantité énorme des membres de la colonie qui, plus faibles ou moins préparés à subir de pareilles épreuves, ont péri avant que leurs frères fussent parvenus à réaliser cette difficile et périlleuse acclimatation. Ce fut une lutte horrible qui dura des siècles ; mais dans ce long espace, quelques braves ont vaincu, et ces braves ont transmis à leurs descendants les caractères énergiques qu’ils avaient, par héritage, reçus de leurs ancêtres, et qui, par la progression ascendante des lois de l’hérédité, sont arrivés au haut développement dans lequel nous les admirons aujourd’hui !

Je viens de vous ébaucher, en couleurs vraies, bien que peut-être en traits incorrects, les luttes que soutiennent pour l’existence, contre les froids de l’hiver et les vents des montagnes, mal nourris, peu préparés à la résistance et sans le moindre confort, les végétaux qui sont, dans leur sphère et dans leur monde phytologique, l’image fidèle des populations forestières, des montagnards pauvres qui vivent en éternel combat contre l’inexorable fatalité de leur existence.

Ne vous imaginez pas, cependant, que seuls ils luttent, que seuls ils souffrent. Le Struggle for life est l’attribut fatal de tout ce qui vit. La seule différence consiste dans le genre de combats, toujours en rapport avec les circonstances, toujours en relation avec l’aptitude des combattants ; et pour vous le prouver, revenons un moment aux forêts touffues où nous nous trouvions tout à l’heure. Je vous disais que les superbes et orgueilleux végétaux qui y vivent ne sont point habitués à se livrer à de grands combats pour leur existence ; mais, en vérité, ils ont aussi indi-