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III

Hélas ! demandez plutôt au soldat appelé au champ de bataille, pourquoi il change sa caserne confortable de la capitale pour le bivouac dressé, la nuit sous les frimas du désert ; ou au matelot, sur le point de partir pour des rivages inconnus, comment il a le courage de quitter son foyer, sa famille et sa patrie pour aller mourir, peut-être abandonné, dans un pays ignoré, aux confins de la terre.

Tel est, en vérité, le cas où me placent mes devoirs de Directeur Général du Muséum National de Rio de Janeiro, le seul établissement scientifique au Brésil en état de recueillir et d’étudier les dépouilles ou les derniers représentants de plusieurs millions d’individus dont furent peuplées, pendant des dizaines de siècles, les côtes et les plaines de l’intérieur du Brésil.

Aujourd’hui quelques centaines de milliers de descendants de ces anciens maîtres de l’Amérique du Sud, nous restent encore pour nous donner une idée, hélas, trop faible, de leurs ancêtres, mais il en meurt un nombre considérable par an et la race va bientôt s’effacer tout à fait, ou se fondre dans le métissage énorme dont le sol américain est l’incommensurable creuset. Déjà, de nombreuses tribus sont disparues, et avec elles leurs langues, leurs cérémonies barbares, leurs traditions et plusieurs autres documents qui seraient aujourd’hui pour nous autant de précieuses bases d’études ethnographiques. Il faut donc que nous nous hâtions de sauver le peu qui nous en reste, pour n’être pas condamnés par nos successeurs à l’avenir, de même que nous reprochons maintenant à nos prédécesseurs, leur négligeance dans le passé.

Dans le dessein d’encourager ces recherches et d’en répandre le goût dans tout le Brésil, j’ai en-