Page:Apollinaire - Œuvres poétiques (extraits Poèmes à Lou), 1959.djvu/96

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Je me sens las de cet amour que tu dédaignes
Je suis honteux de cet amour que tu méprises tant

Le corps ne va pas sans l’âme

Et comment pourrais-je espérer rejoindre ton corps de naguère puisque ton âme était si éloignée de moi

Et que le corps a rejoint l’âme
Comme font tous les corps vivants
Ô toi que je n’ai possédée que morte

*

Et malgré tout cependant que parfois je regarde au loin si vient le vaguemestre

Et que j’attends comme un délice ta lettre quotidienne mon cœur bondit comme un chevreuil lorsque je vois venir le messager

Et j’imagine alors des choses impossibles puisque ton cœur n’est pas avec moi

Et j’imagine alors que nous allons nous embarquer tous deux tout seuls peut-être trois et que jamais personne au monde ne saurait rien de notre cher voyage vers rien mais vers ailleurs et pour toujours

Sur cette mer plus bleue encore plus bleue que tout le bleu du monde

Sur cette mer où jamais l’on ne crierait Terre

Pour ton attentive beauté mes chants plus purs que toutes les paroles monteraient plus libres encore que les flots

Est-il trop tard mon cœur pour ce mystérieux voyage
La barque nous attend c’est notre imagination
Et la réalité nous rejoindra un jour
Si les âmes se sont rejointes
Pour le trop beau pèlerinage

*

Allons mon cœur d’homme la lampe va s’éteindre
Verses-y ton sang
Allons ma vie alimente cette lampe d’amour
Allons canons ouvrez la route