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Page:Apollinaire - Alcools. Suivi de le Bestiaire, 1920.djvu/14

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J’ai vu ce matin une jolie rue dont j’ai oublié le nom

Neuve et propre du soleil elle était le clairon

Les directeurs les ouvriers et les belles sténo-dactylo- graphes

Du lundi matin au samedi soir quatre fois par jour y passent

Le matin par trois fois la siréne y gémit

Une cloche rageuse y aboie vers midi

Les inscriptions des enseignes et des murailles

Les plaques les avis 4 la fagon des perroquets criaillent

Jaime la grace de cette rue industrielle

Située 4 Paris entre la rue Aumont-Thiéville et avenue des Ternes

Voila la jeune rue et tu n’es encore qu’un petit enfant

Ta mére ne t’habille que de bleu et de blanc

Tu es trés pieux et avec le plus ancien de tes camarades René Dalize

Vous n’aimez rien tant que les pompes de |’Eglise

Il est neuf heures le gaz est baissé tout bleu vous sortez du dortoir en cachette

Vous priez toute la nuit dans la chapelle du collége

Tandis qu’éternelle et adorable profondeur améthyste

Tourne a jamais la flamboyante gloire du Christ

C’est le beau lys que tous nous cultivons

C’est la torche aux cheveux roux que n’éteint pas le vent

C’est le fils pale et vermeil de la douloureuse mére

C’est l’arbre toujours touffu de toutes les priéres

C’est la double potence de l’honneur et de l’éternité

C’est l’étoile 4 six branches

C’est Dieu qui meurt le vendredi et ressuscite le diman- che

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