Page:Apollinaire - L’Enchanteur pourrissant, 1909.djvu/29

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

du sommet du mont et plana, fixant la ville ardente. Une corde de la harpe du druide se rompit et c’était le signe qu’un dieu mourait. Beaucoup d’aigles joignirent celui qui planait et, comme lui, fixèrent la ville lointaine et lumineuse.

LA DÉCLAMATION DU DEUXIÈME DRUIDE,
très loin, à mi-côte de la montagne,
dans un sentier périlleux.


            Ils laissent en mourant, des divinités fausses
            Et d’eux ne reste au ciel qu’une étoile de plomb.
            Les lions de Moriane ont rugi dans leurs fosses,
            Les aigles de leur bec ont troué l’aquilon.

            Et voyant, loin, la ville en hachis de lumière,
            Croyant voir, sur le sol, un soleil écrasé,
            Éblouis, ont baissé leur seconde paupière ;
            Ah ! détruis, vrai soleil, ce qui fut embrasé.


Dans la forêt, des êtres cherchaient encore Merlin. On entendait un son aigu et harmonieux et le dieu Pan jouant de la flûte qu’il a inventée arriva, menant un troupeau de jolis sphinx.

LE TROUPEAU DE SPHINX

La nuit de cette forêt, c’est quasi l’ombre cimmérienne. Nous cherchons, nous, poseurs d’énigmes. Nous sourions. Un demande forcément à se réjouir en deux, évidemment cela fait trois. Devine, berger !

QUELQUES SPHINX

Quand c’est tombé il n’y a plus rien à faire. On ne peut ni jouir ni souffrir. Devine, berger !

LES SPHINX

Dès que cela a été blessé, cela a vraiment faim. Devine, berger !

LE TROUPEAU DE SPHINX

Qu’est-ce qui peut mourir ? Devine, berger, afin que nous ayons le droit de mourir volontairement.

Ils s’en allèrent.

UN HIBOU,
dans le creux d’un arbre.

À la vérité, je reconnais ce troupeau. Il n’est pas de notre temps. Il doit préférer les