Page:Apollinaire - La Femme assise.djvu/90

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Les soldats massacraient tous ceux qu’ils rencontraient et les cris d’assassins, d’à bas Bonaparte, de vive la République, les commandements des officiers, les lamentations des mourants, le crépitement de la fusillade, le tonnerre du canon se mêlaient, formant une musique effrayante. Je pensai qu’il se pouvait très bien que ma dernière heure approchât et je songeai d’abord à me réfugier dans une boutique, mais la plupart étaient fermées et, voyant dans celles qui étaient restées ouvertes des cadavres de commerçants, je connus par là qu’il n’y avait pas de refuge que les soldats respectassent. Je n’osai pas m’enfoncer dans les rues étroites qui conduisaient chez moi. Je craignais de tomber encore une fois auprès de quelque barricade ; cela me paraissait aussi dangereux que d’être exposé à la brutalité des soldats.

Là-dessus, il se mit à pleuvoir et la boue qui se forma rapidement était rouge de sang par endroits. Quelques passants, émeutiers voulant gagner leur barricade,