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LE POÈTE ASSASSINÉ

C’était aussi l’avis de Croniamantal. Il y songeait quand, tout à coup, son cheval qu’il tenait par la bride, connaissant l’heure acoutumée de sa provende, se prit à hennir pour la réclamer. Aussitôt la jeune fille se retourna et parut surprise de voir un étranger la contempler par-dessus la haie. Elle rougit et n’en parut que plus charmante. Sa peau brune attestait le sang sarrazin qui coulait dans ses veines. Croniamantal lui demanda à boire et à manger. Avec beaucoup de bonne grâce, cette belle fille le fit entrer dans la métairie et lui servit un agreste repas. Du laitage, des œufs, du pain noir eurent bientôt contenté sa soif et sa faim. Pendant ce temps, il questionnait sa jeune hôtesse, dans l’espoir de trouver une occasion pour lui dire des galanteries. Il apprit ainsi qu’elle s’appelait Mariette et que ses parents s’étaient rendus à la ville voisine pour vendre des légumes ; son frère travaillait sur la route. Cette famille vivait heureuse des produits du verger et de l’étable.

À ce moment, les parents, de beaux paysans, arrivèrent, et voilà Croniamantal, déjà amoureux de Mariette, tout désappointé. Il profita de leur retour pour demander à la mère de fixer son écot ;