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LE POÈTE ASSASSINÉ

les issues de la cathédrale et se prépara à mourir de faim.

Vers deux heures, on télégraphia qu’un sacristain-poète de Naples avait vu bouillonner le sang de saint Janvier dans l’ampoule. Le sacristain était sorti en proclamant le miracle et s’était empressé d’aller au port jouer à la mourre. Il avait gagné à ce jeu tout ce qu’il avait voulu et un coup de couteau à la poitrine.

Les télégrammes annonçant les arrestations de poètes se succédèrent toute la journée. L’électrocution des poètes américains fut connue vers quatre heures.

À Paris, quelques jeunes poètes de la rive gauche épargnés à cause de leur manque de notoriété organisèrent une manifestation qui partit de la Closerie des Lilas vers la Conciergerie, où était enfermé le prince des poètes.

La troupe arriva pour disperser les manifestants. La cavalerie chargea. Les poètes sortirent des armes et se défendirent, mais le peuple à cette vue se mêla à la bagarre. On étrangla les poètes et quiconque se proclamait leur défenseur.

Ainsi commença la persécution qui s’étendit rapidement dans le monde entier. En Amérique, après l’électrocution des poètes célèbres, on lyncha tous les chansonniers nègres et même beau-