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LE POÈTE ASSASSINÉ

de la foule. Une pierre habilement lancée vint frapper le nez du poète, dont le sang jaillit. Une marchande de poisson fendit la foule, puis, se plaçant devant Croniamantal, lui dit :

« Hou ! le corbeau. Je te reconnais, Peuchaire ! tu es un policier qui s’est fait poète ; tiens, vache, tiens, conteur de bourdes. »

Et elle lui asséna une gifle formidable en lui crachant au visage. L’homme que Tograth avait guéri de la calvitie s’approcha en disant :

« Regarde mes cheveux, est-ce un faux miracle, ça ? »

Et levant sa canne, il la poussa si adroitement qu’elle creva l’œil droit. Croniamantal tomba à la renverse, des femmes se précipitèrent sur lui et le frappèrent. Tristouse trépignait de joie, tandis que Paponat essayait de la calmer. Mais du bout de son parapluie, elle alla crever l’autre œil de Croniamantal, qui la vit en cet instant et s’écria :

« Je confesse mon amour pour Tristouse Ballerinette, la poésie divine qui console mon âme. »

Alors de la foule des hommes crièrent :

« Tais-toi, charogne ! attention les madames. »

Les femmes s’écartèrent vite, et un homme qui