Page:Apollinaire - Le Poète assassiné, 1916.djvu/260

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
146
LE ROI-LUNE

tissaient quatre sentiers ; je voulus consulter ma carte, mais je m’aperçus que je l’avais perdue en route. D’autre part le lieu où je me trouvais ne répondait à aucun point de l’itinéraire que je m’étais tracé avant le départ et dont je me souvenais nettement : j’étais égaré. Le temps me pressait et je ne tenais pas à coucher à la belle étoile. Je pris par le sentier qui me parut orienté dans la direction de Werp. Au bout d’une demi-heure de marche je m’arrêtai en un endroit où le sentier finissait devant une muraille de rochers haute de cinquante mètres environ et derrière laquelle des montagnes s’élevaient en masses chaotiques, blanches de neige. Autour de moi de grands sapins agitaient leurs formes sombres et retombantes, car le vent s’était levé et leurs cimes s’entrechoquant, ce bruit lugubre ajoutait encore à l’horreur du désert où le hasard m’avait entraîné. Je compris qu’il serait impossible de trouver Werp avant le jour et je cherchai quelque grotte, quelque anfractuosité de rocher où m’abriter du vent jusqu’à l’aube. Comme j’examinais fort soigneusement cette sorte de falaise qui se dressait devant moi, il me sembla apercevoir une ouverture vers laquelle je me dirigeai. Je reconnus une caverne très spacieuse et m’y aventurai. Au dehors, le vent faisait rage et la plainte des sapins avait quelque chose de