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LE ROI-LUNE

orchestres se fuyaient, se cherchaient, se groupaient, se couraient après, s’éloignaient ou se rapprochaient, vite ou lentement. Il y avait là des stridences inconnues, des sonorités d’une force inouïe, des timbres d’une nouveauté impressionnante. Il venait de la musique de très haut, comme du ciel. Il en sortait de dessous terre et nous étions noyés, pour ainsi dire, dans un océan de sons magiques.

Soudain, tous ces personnages se ceignirent d’une ceinture semblable à celle du roi. Quelques-uns s’étant tournés, je vis que, sur le ventre, la ceinture était ornée d’un instrument assez semblable à un réveille-matin.

« Voilà, voilà des couleurs, disait le roi, et cet art est plus grand, il a plus de ressources que la peinture… Et cette musique mouvante, est-elle assez vivante ? Maintenant, mes amis, allons nous promener. »

Le roi Lune s’envola gracieusement. Il alla se percher dans un arbre, où il continua de parler. Mais je ne compris pas ce qu’il disait et il me sembla qu’il gazouillait en s’adressant à la lune qui luisait entre les branches, puis il reprit son vol ; toute la compagnie s’envola avec lui, et