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SAINTE ADORATA

trouver l’emplacement que j’étais seul à connaître. Et, seul, je venais chaque jour prier à cet endroit.

« Un an s’écoula… Un jour, je dus partir pour Budapest… Et quel ne fut point mon désespoir quand je revins, au bout de deux ans, de voir qu’une usine s’était élevée à la place même où j’avais enterré le trésor que j’aimais plus que ma vie !…

« Je devins à peu près fou et je songeais à me tuer lorsque, le soir, le curé, étant venu nous visiter, me raconta comment, pendant qu’on creusait le champ voisin pour y établir les fondations de l’usine, on avait trouvé le sarcophage d’une martyre chrétienne de l’époque romaine, nommée Adorata, et que l’on avait transporté cette châsse précieuse dans la modeste église du village.

« D’abord je fus sur le point de révéler au curé sa méprise. Mais je me ravisai, pensant que, dans l’église, j’aurais mon trésor sous les yeux quand je voudrais.

« Mon amour me disait que l’adorée n’était pas indigne des honneurs dévots qu’on lui rendait. Et, encore aujourd’hui, je l’en crois digne, à cause de