Page:Apollinaire - Les Onze mille verges, 1911.djvu/198

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
180
LES ONZE MILLE VERGES


grands ouverts semblaient contempler la majesté divine dans l’au-delà.

À ce moment un convoi de prisonniers russes passa près du lieu de l’exécution. On le fit arrêter pour impressionner les Moscovites.

Mais un cri retentit suivi de deux autres. Trois prisonniers s’élancèrent et comme ils n’étaient point enchaînés, se précipitèrent sur le corps du supplicié qui venait de recevoir le onze millième coup de verges. Ils se jettèrent à genoux et embrassèrent avec dévotion et en versant des larmes la tête sanglante de Mony.

Les soldats japonais, un moment stupéfaits, reconnurent bientôt que si l’un des prisonniers était un homme et même un colosse, les deux autres étaient de jolies femmes déguisées en soldats. C’était en effet Cornabœux, Culculine et Alexine qui avaient été pris après le désastre de l’armée russe.

Les Japonais respectèrent d’abord leur douleur, puis, aguichés par les deux femmes se mirent à les lutiner. On laissa Cor-