Page:Apoukhtine - La Vie ambiguë.djvu/113

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beaucoup d’éclat. Je voulais y aller ; mais tout à coup je me suis sentie plus fatiguée, et, à dire le vrai, j’ai un trop gros poids sur le cœur pour m’amuser au bal. Dans le monde Kostia ne me parle presque plus : il dit qu’il ne veut pas me compromettre. C’est bien étrange !

Auparavant, il n’avait pas de ces scrupules, et, maintenant que je n’ai nul souci de ce qu’on peut dire de moi et que je suis prête à donner tout pour entendre de sa bouche le moindre mot caressant, il commence à prendre soin de ma réputation, et il vient chez moi de plus en plus rarement. Tu m’as dis que je suis responsable de ses façons nouvelles, que je l’ennuie de mes inquisitions, de ma jalousie, de mon espionnage, qu’il faut que je me montre toujours confiante et de bonne humeur si je veux le retenir… Mais où prendre cette confiance ? Comment être gaie quand l’ennui me ronge le cœur ? Tu dis « la jalousie », mais je ne suis jalouse de personne : il me semble qu’il ne fait la cour à personne, et au bal il danse toujours avec de si fâcheuses péronnelles (Nadenka Krivobokaia, par exemple) que ce serait un peu ridicule d’en être jalouse. Si je savais qu’il aimât une autre femme, je me ferais plus