Page:Apoukhtine - La Vie ambiguë.djvu/121

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pour la dernière fois tout cet éclat, ce tapage que j’ai tant aimé autrefois, et après… qu’y aura-t-il après ? c’est horrible à penser. Je ne m’attends pas à une mort prochaine, en somme ; je n’ai aucune maladie grave, et cependant j’ai le pressentiment que quelque chose se brisera en moi, et qu’après il n’y aura plus rien ; ma vie est peut-être semblable à cet oiseau dont je t’ai parlé : il me semble qu’à elle aussi il ne reste pas beaucoup de plumes. Aujourd’hui, je me suis réveillée bien portante et gaie comme je ne l’avais pas été depuis une année. Ma première pensée, comme toujours, a été pour Kostia : j’ai regardé la pendule, — dix heures. Il viendra, pensai-je, dans deux heures et quart. Cet état a duré un moment ; puis j’ai réfléchi et j’ai ressenti une terrible amertume : je me suis accoudée sur les coussins et suis restée longtemps ainsi, les yeux fermés. Je voulais me cloîtrer pour toute la journée, ne voir personne ; mais le docteur est venu, et j’ai dû me lever ; puis, quelques visiteurs dénués d’intérêt sont arrivés ; peu avant le dîner, la baronne Vizen était là, porteuse d’un lot de potins. Elle a raconté très plaisamment combien nos dames ennuient l’archevêque Nicodime, qui ne sait où les fuir : ce pauvre ar-