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Page:Apoukhtine - La Vie ambiguë.djvu/215

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Pour toute réponse, l’autre fit sonner ses éperons.

Je vois Maria Pétrovna presque tous les jours. Le plus souvent je m’ennuie avec elle ; mais je me sens attiré chez elle comme dans un havre calme, sûr, coutumier. Parfois nous passons ensemble des soirées entières à parler de poésie et d’amour et aussi des potins de la ville. Elle aime la musique et joue très volontiers les Nocturnes de Chopin, mais elle les joue avec tant de sentiment et si lentement qu’on ne les reconnaît plus, et quelquefois, par distraction, elle s’embrouille.

J’ai remarqué que, dans ses jours de mélancolie, elle joue les Cloches du Monastère ; aux premières notes de ce morceau lugubre, le sommeil me gagne. Maria Pétrovna n’admet que l’amour platonique. Avec ce Nicolas Kounistchew, dont je viens de parler, il lui est même arrivé, l’an dernier, une histoire très caractéristique. Quand il fut promu officier, Maria Pétrovna prit grand soin de lui ; elle l’invitait sans cesse et organisait pour lui des soirées, malgré sa haine des réceptions. Je me réjouissais pour elle et pensais qu’après avoir médit toute sa vie de l’amour, elle était enfin amoureuse pour de bon. Mais voici la fin : un matin, on me remit ce billet laco-