Page:Apoukhtine - La Vie ambiguë.djvu/267

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son, mis au lit, et donné du thé. Deux heures après, j’étais réchauffé, mais je ne pouvais dormir. Je me levai donc, et, en manière de mortification, j’ai relaté en détail ma conversation avec Maria Pétrovna : ce morceau me rappellera toujours combien j’ai été sot, insolent et grossier.

Pour toi, petit lâche, qui donnes des sobriquets à des hommes trois fois plus âgés que toi et qui composes sur eux des vers idiots, parce que tu te dandines et cambres ta poitrine, tu te crois tout permis ; mais moi aussi j’ai été page : je me dandinais en cambrant la poitrine ; je n’étais pas plus mal que toi, et j’avais assurément plus d’esprit. Mais voilà, à présent, je suis délaissé et parais ridicule ! Le même sort t’attend : insensiblement passeront les années et, quand ta bouche édentée bégaiera, un autre page, qui n’est pas encore né, cambrera la poitrine et composera sur toi des vers imbéciles. Aujourd’hui, c’est toi qui me piétines, et je n’ai nul moyen de me venger : mais patiente : je serai vengé par le temps. On t’a dit souvent sans doute, et toi, comme un stupide perroquet, tu le répètes, que le temps, c’est de l’argent ; mais, parvenu à mon âge, tu reconnaîtras que le temps est beaucoup plus que