Page:Apoukhtine - La Vie ambiguë.djvu/40

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pose constamment ; chez Koudriachine, toute l’âme est ouverte ; mais toi, tu peux mieux juger, et à moi, outre Kostia, il ne faut personne. Je ne pensais pas que je l’aimerais si fortement. Il passe toutes ses journées avec moi, et Hippolyte Nicolaievitch, avec la perspicacité qui le caractérise, n’en est nullement jaloux. Notre nouveau précepteur, Vassili Stepanitch, que tu as vu, je crois, commence à être un peu amoureux de moi, et entre lui et Kostia, il y a chaque jour quelques discussions amusantes. Vassili Stepanitch est un grand libéral, et Kostia, un horrible conservateur, et tous deux disent de telles absurdités que leurs oreilles s’en fanent. Il est honteux de l’avouer — mais je ne te cache rien — je n’aime jamais si fortement Kostia qu’au moment où il dit des bêtises. Son visage s’enflamme, ses yeux brillent, il regarde son adversaire avec sévérité et audace — et je ne l’écoute plus, mais seulement l’admire. Je ne suis point aveugle sur Kostia : je sais qu’il n’est pas très sage, que son éducation laisse à désirer, que c’est bête de tant s’attacher à lui, mais que faire, c’est plus fort que moi ! Hier, il m’a amené son frère Michel, page qui, dans deux mois, sera officier. Ce Michel est aussi très joli, mais il ne rappelle son frère