Il y en eut beaucoup de notre vaillante troupe, qui, trouvant la chose bien imaginée, s’offrirent de l’entreprendre. Thrasiléon (29), entre autre, à qui chacun a donné sa voix, a bien voulu en courir le hasard. Avec un visage serein, il s’enferme dans cette peau, qui étoit bien préparée et douce à manier. Nous la lui cousons fort juste sur le corps ; et quoique la couture, que nous faisions aux endroits que nous joignions ensemble, parût fort peu, nous ne laissons pas de rapprocher le poil qui étoit aux deux côtés, et de l’abattre dessus pour la couvrir. Nous lui faisons passer la tête dans le cou de l’ours, jusqu’à la tête de la bête, et après avoir fait quelques petits trous vis-à-vis de ses yeux et de son nez, pour lui laisser la vue et la respiration libres, nous faisons entrer notre brave camarade ainsi travesti dans une cage, que nous avions eue pour peu de chose, où de lui-même il se jette gaiement.
Ayant ainsi commencé notre fourberie, voici comme nous l’achevons. Nous nous servons du nom d’un certain Nicanor (30) de Thrace, que nous avions appris être en grande liaison d’amitié avec Democharès, et nous faisons une fausse lettre par laquelle il paroissoit que cet ami lui envoyoit les prémices de sa chasse, pour faire honneur aux jeux qu’il devoit donner au public. La nuit vient, elle étoit favorable à notre dessein ; nous allons présenter cette lettre à Democharès avec la cage où étoit