Page:Apulée - Les Métamorphoses, Bastien, 1787, I.djvu/366

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découvrir notre dessein, mais tout déchiré et percé de coups qu’il étoit, imitant toujours le mugissement d’un ours, et bravant la mort avez une vertu héroïque, il conserve sa gloire en perdant la vie.

Cependant la terreur qu’il avoit répandue parmi tous ces gens-là, étoit telle, que jusqu’à ce qu’il fût grand jour, pas un seul n’a osé toucher seulement du bout du doigt ce prétendu animal étendu sur le carreau, hors un boucher un peu plus hardi que les autres, qui s’en approchant doucement et avec quelque crainte, lui fend le ventre, et expose aux yeux de tous cet illustre voleur. Voilà de quelle manière nous avons encore perdu Thrasiléon ; mais sa gloire ne périra jamais. Ensuite ayant pris à la hâte les paquets que ces morts nous avoient fidellement gardés, nous nous sommes éloignés le plus vîte qu’il nous a été possible de la ville de Platée, faisant les uns et les autres plusieurs fois cette réflexion, que certainement la bonne foi n’habitoit plus parmi les vivans, et qu’en haine de leur perfidie, elle s’étoit retirée chez les morts. Enfin fort fatigués de la pesanteur de nos paquets, et du chemin long et rude que nous avions fait, ayant perdu trois de nos camarades, nous sommes arrivés ici avec le butin que vous voyez.

Quand ce discours fut fini, ils burent dans des coupes d’or du vin pur à la mémoire de leurs compagnons qui étoient morts, et en répandirent en