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Page:Apulée - Les Métamorphoses, Bastien, 1787, II.djvu/107

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jamais que personne soit en droit de vous nommer ainsi. Mais, si le funeste accident qui m’a ôté la vie, rompt les liens de notre amour, contractez un hymen plus heureux avec qui vous voudrez, pourvu que ce ne soit point avec le sacrilège Thrasile. Rompez tout commerce avec lui ; ne souffrez plus qu’il mange avec vous, gardez-vous bien de le recevoir dans votre lit. Fuyez la main de mon meurtrier, encore teinte de mon sang, et ne commencez point vos nôces par un parricide (3). Ces plaies que vous voyez, que vous avez lavées de vos larmes, n’ont pas toutes été faites par les dents du sanglier ; c’est la lance du perfide Thrasile qui m’a séparé de vous. Ensuite il lui révéla toutes les circonstances et la manière dont ce crime avoit été exécuté.

Carite avoit l’esprit si accablé de tristesse, lorsqu’elle s’étoit mise au lit, et qu’elle s’étoit endormie, que ses larmes ne laissoient pas de couler, et de mouiller ses belles joues pendant son sommeil. Cette vision l’ayant éveillée, comme un coup de foudre, elle s’abandonne à la violence de son affliction, pousse des cris douloureux, déchire ses vêtemens, et avec ses cruelles mains, se meurtrit entièrement les bras qu’elle avoit si beaux. Néanmoins, sans communiquer à personne l’apparition de son époux, sans faire semblant d’avoir aucune connoissance des circonstances de sa mort, elle prend la résolution