Page:Apulée - Les Métamorphoses, Bastien, 1787, II.djvu/115

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verras plus jamais rien qu’en songe. Je vais faire en sorte que la mort de ton ennemi te semblera préférable à ta vie ; tu ne verras plus la lumière ; il te faudra un guide pour te conduire ; tu ne posséderas point Carite ; tu n’auras point le plaisir d’être son époux ; tu ne jouiras point du repos que la mort procure, et tu seras privé des plaisirs qu’on goûte pendant la vie. Mais, comme un fantôme qui n’est ni mort ni vivant, tu seras errant sur la terre entre les ténèbres de l’enfer, et la lumière du soleil ; tu chercheras long-temps la main qui t’aura plongé dans les ténèbres, et ce qu’il y aura de plus cruel pour toi dans ton malheur, tu ne sauras de qui tu auras le plus à te plaindre de toi ou de moi. J’arroserai le tombeau de mon cher Tlépolême du sang qui sortira de tes yeux, que je sacrifierai à ses manes sacrés. Mais, pourquoi faut-il que ton juste supplice soit différé de quelques momens par mon retardement ? peut-être même que tu rêves présentement que tu me tiens dans tes bras, lorsque les miens te vont être si funestes. Quitte des ténèbres que cause le sommeil, éveille-toi pour entrer dans une autre nuit affreuse et cruelle, élève ton visage privé de la lumière, reconnois ma vengeance, conçois ton infortune, et repasse dans ton esprit tous les malheurs où tu es livré. C’est en cet état seul que tes yeux ont pu plaire à une femme vertueuse ; c’est ainsi que les torches nuptiales éclaireront ton hymenée ;