Page:Apulée - Les Métamorphoses, Bastien, 1787, II.djvu/235

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une personne coupable de quelque crime, à moitié vêtue de vieux haillons, les pieds nuds, pâle, maigre et défigurée, ayant ses vilains cheveux gris épars, couverts de cendre, et qui lui cachoient presque tout le visage.

Cette femme, ainsi bâtie, prit le meunier par la main, avec un air honnête, et le mena dans la chambre où il couchoit, en marquant qu’elle avoit quelque chose à lui dire en particulier, et après en avoir fermé la porte, ils y restèrent long-temps. Mais, comme les ouvriers avoient moulu tout le bled qu’ils avoient, et qu’il falloit nécessairement en avoir d’autre pour continuer le travail, ils furent proche la chambre de leur maître, et lui demandèrent de quoi moudre. Après qu’ils l’eurent appellé plusieurs fois, et de toute leur force, voyant qu’il ne répondoit point, ils frappèrent à la porte, encore plus fort qu’ils n’avoient fait, et soupçonnant quelque chose de funeste, d’autant plus qu’elle étoit bien barricadée en-dedans, ils joignent leurs efforts pour en arracher les gonds, ou les briser, et enfin ils ouvrent la chambre. Ils n’y trouvent la femme en aucun endroit, mais ils voient leur maître pendu à une pièce de bois, et déjà sans vie. Ils le détachent, en gémissant et faisant des cris pitoyables, et ôtent la corde qu’il avoit autour du col ; ensuite, après avoir lavé son corps, et fait ses funérailles, ils le portèrent en terre, accompagnés d’un grand nombre de personnes.