Page:Apulée - Les Métamorphoses, Bastien, 1787, II.djvu/279

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maison d’un certain décurion. Après que le soldat m’eut donné en garde à un valet, il s’en alla dans le moment trouver son colonel qui avoit mille hommes sous son commandement. Je me souviens qu’au bout de quelques jours il se commit un crime en ce lieu-là, bien horrible et bien extraordinaire. J’en vais mettre l’histoire dans mon livre, afin que sous la sachiez aussi.

Le maître de la maison où nous étions, avoit un fils fort bien instruit dans les belles lettres, et qui, par une suite assez naturelle, étoit très-vertueux, très-modeste, et tel enfin qu’il n’y a personne qui ne souhaitât d’avoir un fils aussi-bien né qu’étoit celui-là. Sa mère étoit morte il y avoit long-temps ; son père s’étoit remarié, et avoit eu de ce second lit un autre fils qui n’avoit guères plus de douze ans. La mère de ce dernier qui s’étoit acquis une grande autorité dans la maison de son mari, plutôt par sa beauté que par ses mœurs, jetta les yeux sur son beau-fils, soit qu’elle fût d’un tempérament amoureux, soit que son mauvais destin la portât à commettre un si grand crime. Sachez donc, mon cher lecteur, que ce n’est point ici un conte, mais une histoire tragique, et que du brodequin, je monte au cothurne (1).

Dans le temps que l’amour ne faisoit que de naître dans le cœur de cette femme, et qu’il étoit encore foible, elle lui résistoit en se contraignant