Page:Apulée - Les Métamorphoses, Bastien, 1787, II.djvu/305

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crime qu’il avoit médité, en achetant du poison d’une autre personne, ou enfin en se servant d’une épée ou de quelqu’autre arme ; ainsi je lui donnai, non du poison, mais du suc de mandragore, qui est, comme tout le monde sait, une drogue assoupissante, et qui cause un sommeil si profond à ceux qui en prennent, qu’il semble qu’ils soient morts. Vous ne devez pas être surpris si ce désespéré sachant bien qu’il mérite le dernier supplice, suivant nos lois, supporte ces tourmens comme de légères peines. Cependant, s’il est vrai que le jeune enfant ait pris la potion que j’ai préparée moi-même, il vit, il repose, il dort, et si-tôt que ce grand assoupissement sera dissipé, il reverra la lumière ; mais s’il a perdu la vie effectivement, vous pouvez rechercher d’autres causes de sa mort, qui me sont inconnues.

Chacun approuva ce que ce vieillard venoit de dire, et dans le moment on court au sépulcre, où l’on avoit déposé le corps de l’enfant. Il n’y eut pas un de tout le sénat, ni des principaux de la ville, ni même du peuple, qui n’y courût par curiosité. Alors le père de l’enfant levant lui-même la couverture du cercueil, trouve son fils, qu’il avoit cru mort, ressuscité, son sommeil venant de se dissiper, et l’embrassant tendrement, sans pouvoir trouver de termes pour exprimer sa joie, il le tire du sépulcre, le montre au peuple, et le fait porter au sénat encore lié et enveloppé, comme il étoit, des