Page:Apulée - Les Métamorphoses, Bastien, 1787, II.djvu/89

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forme d’histoire par les habiles gens, à qui la nature a donné le talent de bien écrire.

Il y avoit dans cette ville, qui est proche d’ici, un jeune homme nommé Thrasile, d’une naissance illustre ; il tenoit rang entre les chevaliers, et d’ailleurs étoit extrêmement riche, mais d’une débauche outrée, passant sa vie dans les cabarets et dans les mauvais lieux ; ce qui l’avoit mis en commerce avec des scélérats et des voleurs, même le bruit couroit qu’il avoit commis plusieurs meurtres, et cela étoit vrai. Si-tôt que Carite fut en âge d’être mariée, entre les principaux qui la recherchèrent, il fut un des plus empressés, et il avoit fait tous ses efforts pour l’obtenir. Mais, quoiqu’il fût d’une naissance au-dessus de ses rivaux, et qu’il eût tâché de gagner les parens de la fille par de grands présens, ses mauvaises mœurs lui firent donner l’exclusion, et il eut la honte d’en voir un autre préféré. Cependant, quand Carite fut unie au vertueux Tlépolême (2), Thrasile nourrissant toujours son amour, à qui l’on avoit ôté toute espérance, et joignant à sa passion la rage qu’il avoit conçue du refus qu’on avoit fait de lui, il chercha les moyens d’exécuter un crime affreux.

Enfin trouvant l’occasion favorable, il commence à prendre des mesures pour venir à bout du dessein qu’il méditoit depuis long-temps ; et le jour que Carite fut délivrée des cruelles mains des