Page:Arène - Œuvres, 1884.djvu/125

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tranquille, ma chemise, mon seul vêtement, relevée, avec un pain de trois livres dedans ; que ce jour-là, je ne sais pourquoi, j’avais trouvé la voiture partie, et qu’alors je m’étais assise, pleurant à chaudes larmes et mordant à même dans mon pain :

— « Béni soit celui qui me rend ma fille ! » s’écria le patriarche, une main au ciel, et soutenant de l’autre sa vieille pipe qui tremblait. Puis il m’attira sur sa barbe blanche et m’embrassa. Moi je restais silencieuse.

— « Fille, nous en voudras-tu de t’avoir ainsi abandonnée ? Le temps pressait apparemment cette fois. Tandis que tu achetais du pain, ta mère, Dieu ait son âme, avait enlevé le cheval d’un gendarme. On partit un peu vite, et l’on t’oublia. »

Il n’y avait pas à reculer. J’embrasse tout le monde, et me voilà de la famille. Croiriez-vous qu’ils se mirent tous à m’adorer là-dedans ! Les marmots, cousins ou frères, car notre parentage était embrouillé, volaient pour moi des raisins et des pêches ; Janan, c’est le nom du jeune homme noir, fit constater bien vite qu’il n’était que mon cousin ; quant aux trois sorcières, elles me parurent dès le premier jour très fières de l’honneur que j’allais faire à la tribu avec ma jeunesse et ma robe.

Moi je prenais goût à leur vie. C’est si amusant de courir le pays, suivant les foires et les fêtes.