Page:Arène - Œuvres, 1884.djvu/129

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— « Et la Soubeyrane, malheureux ! » Mais Janan déclara que je lui plaisais, moi, et que la Soubeyrane ne lui plaisait point avec ses cheveux roux et ses façons de demoiselle ; que si l’autre avait des écus, nous saurions en gagner à nous deux ; qu’enfin on nous voyait décidés à tout, même à nous enlever, et à nous marier devant un prêtre.

Devant un prêtre ! En entendant ce blasphème, mon père s’arracha les poils de sa grande barbe, et les vieilles me crièrent leur malédiction en hébreu. Un sabbat d’enfer ! N’importe Janan tenait bon ; Janan se promenait de long en large, tranquille, et traînant à chaque jambe une grappe de marmots qui hurlaient de terreur. Enfin, la tempête s’apaisa ; et le soir, Jean-des-Figues, je me trouvais mariée.

— Mais Marseille où vous me cherchiez ?…

— Oh ! je n’oubliais ni vous, ni Marseille. Je me demande pourtant si jamais j’y serais arrivée, sans une bienheureuse aventure qui vint me délivrer tout à la fois de ma nouvelle famille, des chevaux borgnes et de Janan. C’est à la Sainte-Baume que la chose se passa.

Nous étions allés là, notre lune de miel à peine écoulée, et je vous prie de croire qu’elle ne dura guère, car au bout de trois jours nous nous battions comme deux diables sous le pont ; nous étions allés là voir s’il n’y aurait pas quelque bon coup à faire pour la fête. Les occasions ne manquent pas ; il y vient tous les ans des pèlerins en