Page:Arène - Œuvres, 1884.djvu/140

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les voisines de Roset, quoique jeunes, n’avaient plus, tant s’en faut, sa charmante naïveté.

Encore assez près des années de candeur pour aimer un peu les honnêtes garçons, peintres ou premiers clercs qui habitaient l’hôtel avec elles, mais travaillées déjà d’ambitions secrètes, corrompues par les sottes lectures, rêvant d’être à leur tour une de ces grandes courtisanes perverses qu’elles avaient vu de loin passer au bois ou aux courses et dont le roman et le théâtre leur présentaient sans cesse l’idéal, elles affectaient l’air positif et froid des filles à la mode, adoraient le fiacre par envie du huit ressorts, parlaient couramment louis, obligations et parures quoiqu’elles n’en eussent aperçu jamais qu’à la vitrine des joailliers et derrière les grilles des changeurs, et prenaient des airs à la Marco pour se draper, avec le plus beau sang-froid du monde, dans un châle quadrillé de quatorze francs.

Ces demoiselles eurent bientôt fait d’entreprendre l’éducation de Roset ; Mario surtout, une Parisienne petite et pâle, éclose, par je ne sais quel miracle, comme une violette blanche sans parfum, entre deux pavés du faubourg. Roset ne pouvait plus se passer de Mario, mademoiselle Mario me jetait des regards qui me faisaient songer au petit Turc et à ses bizarres jalousies… je sentais venir un malheur.

— « Que dirais-tu, Jean-des-Figues, si je te quittais ? » me demanda Roset un beau jour.