Page:Arène - Œuvres, 1884.djvu/156

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sucrée, qu’il ne faut goûter que dans une cuiller de vermeil et sur la plus fine porcelaine.

Je m’aperçus avec quelque satisfaction que, ce soir-là, je n’avais pas à craindre pour elle l’injure de la faïence ou du ruolz, quand je vis une voiture nous attendant, avec un poney qui piaffait, sa rose à l’oreille, et un petit coquin de laquais or et bleu comme un martin-pêcheur.

— « Mon breack ! » dit Roset fièrement.

Encore nouvelle dans son luxe, la brave enfant venait au théâtre en équipage de chasse. Puis elle prit le fouet et les guides. Un havanais, au même instant, pas plus gros que le poing, s’élança du fouillis des jupons et des fourrures, et, ses pattes de devant appuyées sur le tablier de la voiture, ne cessa pas, tant que les roues tournèrent, d’aboyer furieusement aux grelots tintants du poney.

Roset me racontait, en jouant aux propos interrompus, je ne sais quelle histoire de directeur de théâtre et de Valaque. Elle riait, me prenait la main, heureuse de me retrouver sans doute, mais heureuse surtout que je fusse témoin de sa splendeur. Moi, j’avais entièrement perdu la tête.

Où soupâmes-nous, et quel chemin nous ramena-t-il sous le vestibule d’un petit hôtel Renaissance ? Voilà ce que je ne saurais dire. Le souvenir de cette soirée m’est resté très vague, et même je ne jurerais pas que le vin, la vanité et la joie ne m’eussent grisé un peu.

Tout ce qu’il y a, c’est que je crus être ivre