Page:Arène - Œuvres, 1884.djvu/45

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que plus bas, tout près de terre, la verdure et les bois pleins de chants étouffés et de bruits d’ailes préludent vaguement aux musiques de la nuit.

À quelques pas de moi, appuyée sur les balustres de la terrasse, je distinguai une forme blanche. N’était-ce pas elle, la marquise, avec sa robe au fin corsage et ses cheveux long dénoués ? Il me sembla la reconnaître ; et, en cherchant bien dans mes souvenirs, je découvris que son profil, ses cheveux en vapeur d’or, son galant costume et sa taille rappelaient à s’y méprendre la belle dame du paravent. Elle rêvait en regardant ses roses.

Voilà que tout à coup ce brigand de Scaramouche tombe à l’arrêt d’un grillon ; le grillon se met à chanter, Scaramouche aboie, et l’apparition effrayée fuit bien vite en essuyant une larme. Par bonheur la nuit arrivait, et le pan de mur sous lequel je me trouvais faisait déjà ombre au clair de lune. La marquise m’aurait infailliblement aperçu sans cela. Elle passa si près, si près de moi, que le frisson parfumé de sa robe fit flotter ma cravate et caressa mes lèvres. Mais, chose singulière, tout écolier que j’étais, je n’en eus pas trop de peur.

Elle s’en allait, je n’osai pas la suivre ; j’osais à peine marcher sur la lavande que ses pieds avaient effleurée, et quand je redescendis vers la grande route par le chemin seigneurial, plus