Page:Arène - Œuvres, 1884.djvu/57

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Il le fallait bien. N’eût-ce pas été folie à moi Jean-des-Figues, paysan et fils de paysans, de vouloir pénétrer dans la maison Cabridens, la plus importante, sans contredit, des dix-sept maisons du Cimetière Vieux, place où, de temps immémorial, logeait l’aristocratie cantoperdicienne ?

Discrètes et silencieuses comme des églises, ces maisons restaient toujours fermées. De temps en temps, un bourgeois ou quelque servante en sortait, puis la lourde porte se refermait aussitôt ouverte, et si quelqu’un eût été là, c’est à peine s’il aurait pu entrevoir un grand vestibule tout blanc, des tableaux, et la boule en cuivre d’une rampe. Mais à part les habitants des dix-sept maisons, personne ne passait guère sur cette place, où tout le long du jour on n’entendait que le bruit mélancolique de la fontaine, la causerie des dames qui travaillaient là comme chez elles, assises par groupes sous un platane, et quelquefois, vers trois heures, la voix de mademoiselle Reine qui prenait sa leçon de piano.

En arrivant on remarquait d’abord la maison Cabridens, à cause de ses panonceaux étincelants et de son éteignoir en pierre curieusement sculptée. Cet éteignoir monumental, planté dans le mur, à côté de la porte, était une des curiosités de la ville. Autrefois, disait-on, du temps des seigneurs, toutes les maisons nobles avaient un éteignoir pareil où les valets de pied éteignaient