Page:Arène - Œuvres, 1884.djvu/72

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les poètes qui se moquent de nous, comme les capucins de ceux qui font maigre, les poètes que l’humanité crédule couronne de lauriers, et que l’on devrait, au contraire, honorablement fouetter avec des roses, en laissant les épines, bien entendu.

J’ai le droit de leur en vouloir, j’imagine, moi, Jean-des-Figues, qui trouvai, à quinze ans, enfermée dans la malle de mon cousin, comme une goutte de poison dans un flacon, la quintessence des folies sentimentales ; moi qui, par la faute des poètes, crus aimer quand je n’aimais pas, et fus ensuite amoureux trois ans durant sans m’en apercevoir. Excellente façon de perdre sa jeunesse !

Ah ! sans eux, sans les poètes, sans Blanquet, le cousin Mitre et sa malle, sans le rayon qui me travaillait le cerveau, et sans les mille folles idées dont le bourdonnement m’empêchait d’entendre la voix de mon cœur, je n’aurais pas usé mon bel âge à poursuivre un fantastique amour, et j’eusse tout de suite reconnu l’amour véritable, l’amour ingénu, éternel et divin, le même aujourd’hui qu’aux temps antiques ; j’eusse reconnu l’amour quand je le rencontrai, cette après midi d’avril, où, m’en allant à Maygremine, je m’étais assis, tant la chaleur accablait, sous un arbre, à l’endroit même où la route entre dans la petite plaine d’amandiers.

Depuis deux jours, le vent des fleurs soufflait,