Page:Arène - Œuvres, 1884.djvu/78

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yeux quand vous jouerez… et pensez aux bécasses ! »

Deux fois par semaine, tant que durait la belle saison, ce diable d’homme arrivait à Maygremine, amenant à sa suite deux amateurs toujours les mêmes, et précédé d’un domestique, qui suait sous trois boîtes à violon. Avec M. Tullius Cabridens, car à ses autres talents Tullius joignait celui de musicien, ces personnages constituaient la Société des quatuors d’été, qui se réunissait ainsi tous les lundis et vendredis, pour exécuter sournoisement de mystérieuses compositions. Je fus admis à les écouter, par faveur spéciale.

On s’enfermait dans le petit salon, persiennes closes ; les pupitres étaient prêts, les violons sortaient de leur boîte : — Un !… deux !… trois !… quatre !… et voilà nos exécutants en train de faire aller les doigts et l’archet, clignant de l’œil et tirant la langue aux beaux endroits avec la fougue paisible et les petites grimaces de volupté particulières aux vrais dilettanti. — Piano !… piano !… piano !… disait le vicomte en colère à son ami Tullius qui jouait toujours trop fort. Mademoiselle Reine écoutait en souriant, madame Cabridens s’endormait sur sa tapisserie, le soleil faisait passer des barres d’or par les trous des volets ; pendant les pauses, j’entendais au dehors glousser les poules, et l’eau de la fontaine tomber dans le grand bassin.

Après une heure ou deux de sonates, les archets