Page:Arène - Œuvres, 1884.djvu/92

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Quand je fus au milieu du pont de pierre, d’où l’on enfile du regard toute la vallée de Durance, pris de je sais quelle émotion, je regardai bien attentivement, pour les emporter peints sous ma paupière, ces lieux où je laissais tant de souvenirs : la maison blanche et les ruines, la salle aux quatuors, la fenêtre, le sentier du bois, les petites sorgues reluisant là-bas comme argent fin, et le vivier tout vert, trop éloigné pour que j’en pusse entendre la rainette.

Une voix railleuse interrompit ma contemplation :

— « Comme te voilà beau, Jean-des-Figues, emmène-moi en croupe à Paris ! » me criait Roset, assise sur le parapet du pont. Tant d’effronterie m’irrita, je détournai les yeux de la tentation, et mis Blanquet au trot en invoquant l’âme du cousin Mitre.

C’était fini. Je tournais, à ce moment, l’angle du rocher ; mes concitoyens, debout sur les remparts, ne devaient plus voir que la queue de mon âne brillant au soleil avant de disparaître, et le bord de mon pourpoint trop large qui flottait dans le vent du soir.