Page:Arène - Au bon soleil, 1881.djvu/15

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— Tu peux, répondit Lenthéric.

Trois semaines après, jour pour jour, les blocs étaient prêts. Un travail de Romain ! Il avait l’allu, pour les isoler, peiner de l’aube à la nuit, faire jouer le pic et la poudre, tout en s’aidant des fissures naturelles bourrées d’humus, où les racines des buis et des lavandes prolongeaient leurs longs filaments, fissures que Lenthéric avait étudiées et dont il sut profiter en maître ouvrier.

Tout Saint-Domnin voulut admirer ces blocs.

Les bonnes gens en calculaient le poids, s’étonnant qu’un seul homme pût venir à bout de deux pareils morceaux ; le principal du collège affirmait qu’à les voir se détacher ainsi, en haut du plateau, sur l’horizon, vous auriez dit des pierres druidiques.

Quant à la question de savoir s’il valait mieux les creuser sur place ou simplement les dégrossir pour achever le travail à Jouques, MM. Damase frères s’en rapportaient à Lenthéric. Lenthéric s’arrêta à cette dernière solution comme plus prudente : un bloc brut ne craint rien, tandis que pour une pierre travaillée, avec le peu de soins des charretiers et des manœuvres, un accident est toujours à craindre. Peut-être aussi Lenthéric voyait-il avec plaisir une occasion d’aller faire un tour eu Provence. Pour les Provençaux de la Provence montagnarde, la vraie Provence, celle du chène-vert et de l’olivier, des tambourins et des belles filles, apparait