Le tonnerre en personne serait tombé dans la salle, que le saisissement n’eût pas été plus grand. Chacun s’entre-regarda. Naz, le malheureux Naz, resta debout, comme stupéfait, le corps en avant et la bouche ouverte.
— Son père ! s’écria la vieille Nanon, qu’on aille chercher monsieur son père !
Le père de Naz arriva.
On s’attendait à une explosion de colère. Il se montra glacial et digne :
— Combien ce tapis ?
— Soixante francs, mon bon monsieur, pas moins de soixante francs.
— Voici soixante francs !… et qu’on me donne le vieux drap.
Puis, les bandes déboulonnées et le tapis décloué :
— Emporte-moi ça, dit le père en remettant à Naz le tapis roulé.
Que comptait-il faire ?
Le surlendemain tout fut expliqué quand nous vîmes entrer le malheureux Naz vêtu de vert de la tête aux pieds : habit vert, gilet vert, pantalon vert, casquette verte, et non pas vert-pomme ou vert-bouteille, mais de ce vert cruel et particulièrement détestable qu’on choisit pour les tapis de billard. Sur l’épaule droite nous reconnûmes tous une grande tache faite par la lampe à schiste, et sur l’épaule gauche une petite meurtrissure bleue imprimée dans le drap par un massé trop brutal.