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CONTES DE PARIS ET DE PROVENCE

ciel est bleu, malgré la gelée ; peut-être que ce beau soleil les réveillera !

Et, tandis que le sergent La Ramée reprenait sa route en grommelant, le petit fifre, avec courage, se remit à casser la glace.

Ce petit fifre, qui aimait tant sa mère-grand, était bien le plus joli petit fifre que l’on pût rencontrer. Pas plus haut qu’une botte et vêtu de rouge, du tricorne aux guêtres, comme tout le monde au régiment, il avait si bonne grâce, avec ses yeux bleus et ses cadenettes, à siffler des airs, en marquant le pas, devant les hallebardiers barbus, que pour le voir passer, dans les entrées de ville, les dames aux fenêtres oubliaient de regarder le tambour-major.

Presque autant qu’aux rythmes guerriers, le fifre s’entendait à la pêche aux grenouilles. Aussi quand la glace fut percée, le trou déblayé et qu’un joli rond d’eau claire apparut, le fifre eut-il bientôt fait d’improviser sa ligne avec un peu de fil qu’il avait apporté et un roseau sec qu’il coupa. L’appât seul manquait au bout du fil. D’ordinaire, notre pêcheur ne s’en inquiétait guère, se servant pour cela du premier coquelicot venu, car les grenouilles sont goulues au point que tout objet rouge les attire. Mais les coquelicots ne fleurissent pas sous la neige, et vainement il en chercha quelqu’un d’attardé, le long des glacis, dans l’herbe transie.

Il allait partir, fort ennuyé, quand précisément, au-dessus de l’eau une grenouille leva la tête. Paresseuse, comme endormie, elle posa ses pattes de devant sur les bords, ouvrit l’un après l’autre ses