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Page:Arène - Contes de Paris et de Provence, 1913.djvu/25

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PROPOS DE CHASSE

Vu le délabrement des chambres, il fallut dormir à la cuisine, sous la cheminée, le marquis dans un fauteuil, moi sur un escabeau.

Un peu passé minuit, mon oncle entra avec sa canardière et, me voyant les yeux ouverts :

— Petit, veux-tu que je t’apprenne comment on tue un lièvre au gîte ?

Si je voulais ! Seulement je n’avais pas de fusil et mon oncle n’en possédait pas de rechange.

— Prends celui du marquis, ça le dérouillera. Après, nous le rechargerons, et ni vu ni connu, personne ne s’apercevra de rien !

La tentation était trop forte : le marquis ronflait, le fusil brillait, je pris le fusil.

Nous voilà sur la route, au clair de lune ; puis dans un taillis, puis sur un plateau garni d’un gazon ras, où se dressaient des pieds de fougères.

— Attention, la bête est là.

La bête veillait apparemment ; j’entendis des herbes s’agiter, je vis passer l’ombre de deux oreilles, nos coups de fusil partirent à la fois.

— Maladroit ! dit mon oncle en ramassant le lièvre, tu seras cause de la mort d’un chêne : ta charge vient d’atteindre en plein ce baliveau.

Humilié, je n’osai rien dire ; il me semblait bien pourtant avoir visé droit.

Le fusil rechargé avait repris sa place, et le lièvre tournait en broche quand, sur la pointe de huit heures, M. le marquis se réveilla. Le marquis devint tout joyeux à l’idée de manger du lièvre.

Je croyais tout sauvé lorsqu’on s’assit pour déjeuner.