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CONTES DE PROVENCE

je me souvienne, c’était un homme très vieux, tout blanc, et si affaibli par le grand âge qu’il était obligé, la plupart du temps, de laisser les trois quarts de son bien en friche. Il avait des idées étranges là-dessus, prétendant que tout homme ne doit demander que sa part à la terre, et n’eût pas souffert qu’on l’aidât. Il lui arrivait rarement de rentrer toute sa vendange ; son plaisir était de laisser les plus belles grappes sur le cep.

« Il faut bien, disait-il, quelques raisins mûrs pour les grives… »

Mais les grives n’étaient pas seules à picorer dans sa vigne, la vigne à personne, comme nous disions entre galopins, et la plus grosse part nous revenait de ses muscats amollis et cuits, si doux que leur sucre brûlait la langue.

Le père Noé aimait les petits et nous tolérait volontiers. Par exemple, chez lui, défense absolue de toucher aux nids et de faire du mal à quoi que ce fût.